Les structures de solidarité auto-gérées

La solidarité autogérée plonge ses racines loin dans l’histoire du pays et notamment dans les événements dramatiques de la dernière guerre mondiale. Pendant les périodes de crise traversées depuis l’Indépendance en 1821, c’est en effet l’auto-organisation qui a permis aux Grecs de parer aux effets de la structure souvent coercitive ou antipopulaire de l’État.

Les structures contemporaines de solidarité en Grèce sont le résultat d’un long combat contre la troïka, les memoranda et les conséquences des mesures d’austérité imposées au pays depuis 2010. Le moment initial en a été le mouvement des Indignés de Syntagma et de l’occupation des Places en été 2011, quand différents petits mouvements d’autogestion et de prise des décisions en commun, de “démocratie immédiate”, se sont répandus et popularisés comme modèles d’organisation sur les Places des villes où étaient rassemblés les Indignés. Quand les gens sont rentrés chez eux, après ce vaste mouvement communautaire, ils ont fondé dans leurs quartiers différentes structures de solidarité, selon deux modèles : certains mettaient à disposition leur spécialité professionnelle, médecins, avocats ou enseignants, en installant des structures de soins solidaires ou de soutien scolaire gratuit pour les enfants qui ne pouvaient pas payer de cours privés (nécessaires pour s’en tirer dans le système scolaire grec).

L’exemple particulier de La Cuisine Solidaire “L’Autre Humain” initiée par Konstantinos Polychronopoulos illustre parfaitement comment plusieurs centaines de repas chauds gratuits sont distribués chaque jour uniquement grâce au bénévolat de gens parfois eux-mêmes dans la précarité.

Selon un autre modèle, des gens s’organisaient autour d’un problème particulier, collecte de nourriture et distribution solidaire pour les plus démunis, marchés alternatifs sans intermédiaires, mouvements contre la saisie des maisons, et à côté, plusieurs initiatives de coopératives sociales, autogérées, cafés, etc, pour apporter une solution au chômage qui a explosé au même moment, surtout chez les plus jeunes. Ou encore le Mouvement “Stop aux saisies”, et différentes expériences, monnaies parallèles et locales (assez populaires à l’époque), bazars alternatifs, coopératives, etc.

En même temps se sont mises en place des structures de solidarité pour soutenir les luttes sociales de longue durée, celle des femmes de ménage du ministère des finances, les journalistes de la radio-télé publique ERT qui avait été fermée, les enseignants et le personnel des universités mis à la rue. Chaque structure ayant des principes communs mais une action particulière, formant finalement un système communautaire de résistance contre les mesures et les politiques d’austérité qui démolissaient la structure-même de notre société, face à un État central désormais absent ou hostile, incapable ou ne souhaitant pas nous apporter de solutions.

Les problèmes découlant des politiques d’austérité ont empiré, les gens n’ont plus d’argent, de travail ni de soutien ; tout ce qu’ils avaient mis de côté a été épuisé. Il n’y a plus de fonds publics pour agir– il faut que les gens et les ressources se fédèrent selon un mode d’organisation en commun, pour couvrir les besoins de base et vivre dignement.

Outre l’aide matérielle apportée aux problèmes immédiats et l’organisation des gens pour pallier leurs besoins vitaux, les structures de solidarité ont fonctionné comme un lieu privilégié de prise de conscience politique, d’élargissement démocratique, de participation solidaire et de prise de décision populaire ; les gens essaient d’y prendre leur vie en main et de trouver des solutions aux problèmes qui les concernent directement, dans tous les domaines, nourriture, santé, économie, dans les services et même dans les structures de production. Sans attendre d’aide extérieure.