La tradition d’extrême violence de la police grecque remonte aux années 30 pendant la dictature de Metaxas, renforcée après la fin de la guerre et pendant la guerre civile.
La création de la police de l’état grec
À la fin de la guerre, Churchill a rhabillé en uniformes de gendarmes les miliciens collaborateurs et il les a placés du jour au lendemain au service du gouvernement qu’il venait d’imposer à Athènes dans le but de ramener le roi de Grèce au pouvoir. La police ainsi créée fut utilisée directement contre la population et les résistants, majoritairement affiliés à la résistance communiste. De ce fait, il n’y a eu aucune épuration dans les corps de l’état en Grèce. Au contraire, pendant la guerre civile qui s’en est suivie, la police a bénéficié d’une totale impunité politique. Le régime autoritaire succédant à la guerre civile, puis la dictature des colonels entre 1967 et 1974 ont renforcé la tradition d’extrême violence de la police et son attitude antipopulaire et antidémocratique.
Apurée dans les années 90 par le Pasok, qui a imposé que les nouveaux agents soient intégrés à Bac + 2 minimum, la police grecque a été contaminée dans une large mesure par l’idéologie fasciste d’Aube Dorée à partir de 2008, suite aux émeutes qu’a entraînées l’assassinat gratuit par deux policiers d’un jeune adolescent de 15 ans, Alexis Grigoropoulos.
La coercition comme moyen d’imposer l’austérité
Peu touchées par les baisses de salaires imposées par la Troïka des créanciers aux fonctionnaires, la police et les forces spéciales sont utilisées comme forces de répression et de coercition sans lesquelles les mesures antisociales d’austérité ne sauraient être imposées.
Pendant les manifestations, les journalistes et les photo-reporters sont fréquemment la cible de violences policières ; plusieurs accidents visant des journalistes ont abouti à des séjours en hôpitaux.
Les capuches et les casques ont été interdits, ainsi que les masques à gaz, sauf pour les détenteurs d’une carte et d’un brassard de presse.
La répression policière ne respecte aucune convention, matraquant et gazant indistinctement les manifestants mais aussi les équipes de secours et les blessés, allant jusqu’à jeter des grenades lacrymogènes dans la station de métro où les gens se réfugient.
Dans les suites des manifestations qui se succèdent, des policiers montés à moto poursuivent et matraquent toute personne « suspecte », allant jusqu’à malmener des touristes étrangers.
Ce qui devient évident pour les gens qui continuent à manifester, c’est la détermination du pouvoir en place mais aussi des créanciers qui décident désormais des affaires du pays, de ne pas laisser s’exprimer le mécontentement populaire – et en tous cas de ne pas en tenir compte.
La collusion des escadrons de répression et des « casseurs »
En 2010, 2011 et 2012, de nombreux documents photos et vidéos dévoilent une collaboration étroite entre les forces de répression des manifestations et certains des casseurs de fin de manifestations. Ainsi des « éléments troubles » se retirent derrière les rangs des policiers qui les protégent régulièrement des services d’ordre de la manif.
Avant les manifestations, ces casseurs et les escadrons de policiers sortent ensemble des mêmes véhicules, chacun avec son « uniforme ». Les observateurs notent aussi des similitudes dans l’équipement des policiers et de ces « casseurs », mêmes chaussures crantées militaires, distribution de battes derrière les rangs de la police …
Le déroulement d’une manif est alors classiquement le suivant :
D’abord défilé pacifique des manifestants de tous âges et de toutes conditions, femmes, enfants et vieillards, puis très rapidement, début des « violences » venant d’individus généralement masqués, à coup de pierres, de matraques et de cocktails molotov, suivis très vite de charges violentes à la matraque assorties du bombardement indistinct de tous les manifestants à coup de gaz lacrymogène par la police.
A contrario, les manifestants ont remarqué que quand la police n’est pas là, quel que soit le nombre des manifestants et la durée de la manifestation, il n’y a jamais d’épisode de casse ni d’échanges violents en fin de manifestation.
Principales manifestations[1]
À partir du 23 avril 2010, quand Papandréou annonce le recours de la Grèce au « plan d’aide » du FMI, se succèdent d’énormes manifestations rassemblant toutes les composantes de la population grecque, dans des proportions évoquant aux dires des témoins les grands rassemblements populaires de la libération d’Athènes ou de la fin de la dictature.
Que ce soit sur l’appel des syndicats ou dans le cadre du mouvement des indignés, des citoyens qui n’avaient jamais manifesté sont sortis dans la rue pour crier leur mécontentement, au risque parfois de se retrouver au milieu des heurts entre casseurs et forces de répression policière.
Incendie de la banque Marfin
Le 5 mai 2010, une énorme manifestation se rassemble sur le trajet Omonia-Syntagma pour protester contre les mesures d’extrême austérité annoncées par le Ministre de l’économie Yiorgos Papakonstandinou. Après des heurts violents entre la police et les « casseurs », un incendie est provoqué par des individus isolés dans le bâtiment de la banque Marfin rue Stadiou, qui fonctionnait ce jour-là malgré la grève, provoquant la mort de trois employés piégés par les flammes.
S’ajoutant à la violente répression policière et à l’usage excessif de gaz lacrymogènes, cette manifestation marque un tournant, à la fois en radicalisant les manifestants et en éloignant du pavé pour un temps la partie la plus « modérée » de la population.
[1] Dates in
http://news247.gr/eidiseis/afieromata/oi-megales-sygkentrwseis-ths-epoxhs-toy-mnhmonioy.1637815.html
Indignés de Syntagma
Un an plus tard et alors que les mesures d’austérité se succèdent malgré les effets dévastateurs déjà sensibles du premier memorandum, le mouvement européen des Indignés rassemble à nouveau à Syntagma des manifestants de toutes origines.
Au bout d’un mois, l’occupation de la place est balayée par une répression particulièrement violente, lors du vote de nouvelles mesures « intermédiaires ». Pendant trois jours, la place est cernée par les forces de police qui multiplient les matraquages violents et les gazages directement au visage, sans laisser d’issue. Pourtant les occupants de la Place essaient de garder leurs positions en chantant et en dansant, tandis que des chaînes humaines s’organisent pour laver le sol des produits chimiques lacrymogènes en l’aspergeant avec l’eau des fontaines qui entourent la place.
Pendant ces trois jours de répression, 2500 bonbonnes de gaz lacrymogènes ont été jetées sur une foule pacifique.
Ainsi, deux vétérans des luttes progressistes, les députés de gauche Manolis Glézos et Mikis Théodorakis, célèbres résistants à l’occupation allemande et à la dictature, venus apporter leur soutien aux occupants de la place, ont été gazés à bout portant par la police, malgré leur âge et leur fonction de membres élus du parlement, au risque de leur vie.
Le 8 novembre 2012, pendant le vote du deuxième mémorandum, un énorme mouvement de manifestation se déroule encore à travers toute la Grèce.
Les violences policières ne se résument pas à la répression des manifestations, mais elles se déroulent aussi à l’encontre des syndicalistes, ainsi qu’à l’encontre des migrants à travers le programme « Xenios Dias » qui permet l’arrestation et l’enfermement de tout étranger en situation « irrégulière ».
Après l’entrée au Parlement des députés du parti Aube Dorée en juin 2012, très populaire au sein de la police et des forces armées, les actes de violence policières se répandant impunément, sans qu’aucune enquête administrative aboutisse jamais. C’est la conséquence de la normalisation d’un discours de haine et d’apologie de la violence raciale et politique, qui acquiert soudain pignon sur rue en entrant au parlement, relayé par les media.
Actuellement cette attitude envers les migrants se traduit par le refus des forces de police d’intervenir dans les camps de réfugiés, laissés dans un état de non-droit malgré la présence de nombreuses femmes et enfants non accompagnés.