Syntagma, le mouvement d’occupation des places qui a accouché d’un gouvernement. 

En Grèce le mouvement des Indignés a démarré juste après le mouvement espagnol du 15 mai de la Puerta Del Sol à Madrid. À partir du mois de mai 2011, et jusqu’à la fin juin, l’occupation de la Place Syntagma à Athènes est née d’un mouvement spontané, relayé par les réseaux sociaux, mobilisant jusqu’à un million de personnes de tous âges et de toutes conditions pour une série de manifestations constantes et quotidiennes. Située devant le Parlement grec, Syntagma est le lieu historique des grandes manifestations populaires à Athènes.

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Cette occupation faisait suite aux énormes manifestations rassemblant dès le printemps 2010 des pans très divers de la population athénienne contre les mesures d’austérité imposées par les memoranda, conditionnant les “plans d’aide” de la “Troïka” (Commission Européenne, BCE et FMI).

La volonté de tenir à l’écart les partis traditionnels se ressentait à travers le mépris affiché envers le Parlement et les députés, considérés comme complices et responsables de la situation désespérée de la population. Toute étiquette et toute présence politicienne était donc bannie.

La mobilisation populaire s’est organisée très vite à travers la constitution d’une assemblée citoyenne permanente, avec prise des décisions à main levée. Des commissions chargées des différentes questions pratiques posées par l’occupation de la place décidaient au jour le jour des choses à faire ou ne pas faire. On pouvait ainsi s’inscrire à la commission propreté, à la commission ravitaillement, à la commission médias ou traductions, les rapports avec les médias et les soutiens de l’étranger constituant une dimension importante du combat mené à travers l’occupation de la place.

Tous les soirs à 19h00, l’assemblée générale participative statuait sur un ordre du jour, avec numéro tiré au sort pour l’ordre des interventions.

L’occupation des places centrales dans les villes de provinces et de la banlieue athénienne ont élargi au niveau national cette mobilisation populaire tout en l’intégrant profondément dans les sociétés locales. Les prolongements du mouvement dans toute la Grèce ont permis la mise en place d’un réseau de structures de solidarité couvrant le pays, mobilisant les citoyens sur un modèle de démocratie directe et immédiate, pour pallier les problèmes vitaux provoqués par l’austérité.

Même si l’occupation de la place a été balayée par une violente répression policière qui n’a pas épargné les journalistes et les photoreporters, c’est de ce grand mouvement d’occupation des places selon une démocratie immédiate et participative appliquée spontanément par les assemblées, loin des partis, qu’ont émergé les structures de solidarité autogérées qui soutiennent la population grecque face à la crise humanitaire provoquée par les mesures d’austérité.

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Ainsi, différents dispensaires sociaux solidaires aident ceux qui n’ont plus accès aux soins et aux médicaments, faute de couverture sociale. Des cuisines sociales solidaires ont vu le jour partout dans le pays. Quand le pays a été traversé par des centaines de milliers de réfugiés, ces structures solidaires émergées du mouvement des places ont pallié les besoins les plus pressants, nourrissant et soignant aussi les migrants.

En outre, quand bien-même les espoirs du peuple grec ont été trahis après le référendum de juillet 2015, le mouvement des Indignés de la Place Syntagma reste le seul exemple d’une mobilisation sociale spontanée de type “occupation de place” ayant débouché trois ans et demi plus tard sur l’élection d’un gouvernement se réclamant d’un gouvernement de “gauche radicale”.

Marie-Laure Coulmin Koutsaftis

Pour en savoir plus sur les structures autogérées de solidarité cf “L’essor électoral du premier Syriza dans les mouvements de solidarité autogérés” in Les Grecs contre l’austérité – il était une fois la crise de la dette, Éditions Le temps des Cerises, Novembre 2015.